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Climat : pourquoi la filière viticole va devoir changer (et vite)

Vinofutur #1 - Interview de Jean-Marc Touzard

Le chercheur Jean-Marc Touzard est spécialiste de l’innovation et a dirigé le projet Laccave, la grande étude de l’Inrae (2012-2016) sur les conséquences du changement climatique sur le vignoble, et les stratégies possibles.

Pourquoi les scenarii s’arrêtent-ils tous à 2050 ? Il se passe quoi, après ?
Aujourd’hui, on est plutôt à réfléchir du 2050-2070, le moyen-long terme. Mais 2050, c’est l’année de divergence de tous les scénarios climatiques : soit on arrive à stabiliser le climat, la température plafonne entre +1 et +2° C — mais +1° C on n’y croit plus vraiment — soit les températures continuent d’augmenter. 2050, c’est de fait l’horizon de beaucoup de politiques publiques. Par exemple, l’objectif de réduire de 46 % au moins le bilan carbone de l’agriculture. Après 2050, on entre dans la phase d’exploration.

Le projet Laccave a imaginé quatre scénarios pour la filière viticole : Ultra-libéral, Innovant, Conservateur et Nomade. Quel est le préféré des vignerons ?
D’une façon très générale, les vignerons veulent innover sans trop changer. On va maintenir que le vin est issu de la fermentation de raisins frais, par exemple, au lieu d’opter pour des stratégies très innovantes, autoriser le mouillage (ajout d’eau dans le vin), l’aromatisation…

Du coup, quelles sont les innovations envisagées ?
Un des leviers importants, un peu incontournable, c’est la question du matériel végétal, et l’évolution de l’encépagement. Il s’agit là de combiner les enjeux d’adaptation climatiques et de respect de l’environnement. Ça recouvre l’introduction de cépages de régions plus chaudes, d’anciens cépages, mais aussi la création variétale.

Tous les vignerons vont-ils devoir changer leurs pratiques ?
Ce ne sera pas une option. Mais l’erreur, c’est de raisonner innovation par innovation. L’enjeu sera d’arriver à de nouveaux systèmes. Quand on parle des pratiques, je pense qu’il y a aujourd’hui deux grandes options. Il y aura les solutions basées sur la nature, l’agroécologie viticole qui incluent le bio, mais sans pesticides, et les couverts végétaux. Le débat aujourd’hui, c’est de savoir si le bio résistera mieux au changement climatique… Cette option comprend aussi l’œnologie, dans la logique des vins nature. Il s’agit de créer un système plus résilient, capable de supporter les stress. Mais aussi de faire accepter au consommateur plus de variété dans les vins.

Et l’autre stratégie ?
L’autre option, c’est celle de l’artificialisation, jusqu’où et comment, l’usage courant de toutes les technologies qui peuvent corriger, piloter, de l’irrigation à la station photovoltaïque. Tout ceci devra être décliné au niveau organisationnel, dans les cahiers de charges, les relations avec les consommateurs, etc. Dans l’Hérault, les deux stratégies coexistent : on observe un retour vers la plaine pour l’irrigation, et à côté de ça, une stratégie sur les coteaux à fond sur l’agroécologie, des rendements à 20 hl / ha, de l’œnotourisme… La troisième option, ce sont les niches écologiques, les milieux tamponnés, comme celui qui a planté à 1 300 m en Cerdagne… Et reste aussi la quatrième voie plus urbaine, très techno, qui va utiliser du photovoltaïque, des caissons, des serres ; on en voit en Suède.

Pour tout ça, il va falloir du temps et des moyens. Comment faire si, par exemple, on ne peut plus produire qu’un an sur deux ?
C’est vrai qu’on a jusqu’à présent réfléchi surtout aux impacts sur les rendements, la phénologie, etc. Mais de plus en plus, la question du risque va être mise en avant, car ils sont multiples, ils s’accumulent et s’enchaînent : le gel, mais aussi les incendies, la sécheresse. Et dans les modèles de prévision climatique, l’incertitude et ses risques augmentent avec la température. On peut ne pas en dormir. Souvent les réponses répondent à un type de risque, et pas à un autre. Ce qui met en avant l’importance de la diversification. Des cépages, des systèmes assurantiels, de tout. Il s’agit de ne pas mettre ses œufs dans le même panier. On parle là d’une nouvelle ingénierie viticole. D’une façon plus positive, c’est l’occasion de repenser un projet d’appellation, d’exploitation.

Quels sont vos conseils ?
Il y a deux choses qui sont compliquées : l’incertitude et la vitesse. Les choses vont très vite, plus vite que les capacités de renouvellement et d’adaptation que les vignerons avaient jusqu’à présent. Il s’agit de favoriser les expérimentations, la recherche et le développement sur des sujets comme le sol ou l’agroforesterie, et le partage d’expérience, avec des moyens. Ensuite, ce sont des objectifs politiques… Les vignerons devraient être les premiers défenseurs du Giec. Il faut stabiliser le climat. Si on arrive à la neutralité en 2050, on pourrait rester sur un type de viticulture tel qu’on le connaît aujourd’hui, associé à un terroir. Mais avec +2° C ou +3° C, il n’y a plus de vin de terroir. Ça sera l’instabilité et des vins qui visent avant tout des standards de qualité. Mais la filière viticole a des ressources, il y a beaucoup de diversité, de créativité par rapport à d’autres filières. Elle a des relais politiques, est très présente dans la culture française, les médias, est très organisée. Le climat, ce sont aussi des enjeux marketing, et ça compte…

 

Propos recueillis par Julie Reux pour www.vinofutur.fr

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